Studitorium

 

 

Résumé français

 

LE

STUDI

TORIUM

 

UN NOUVEAU CONCEPT DE SALLE MULTIMEDIA

 

La création sonore multimédia en salle s'est considérablement développée ces dernières années sans qu'aucun espace propre ne lui soit dédié.

En réfléchissant à ce que pourrait être un tel lieu, nous avons imaginé le Studitorium comme une solution possible.

 

Le Studitorium est à la fois un lieu de création et de diffusion.

C'est un lieu fondamentalement interdisciplinaire couvrant le champ des formes hybrides entre la musique, le théâtre, les installations et les expositions.

C'est un lieu qui propose une nouvelle orientation à l'art multimédia en mettant l'accent sur le son pour le mettre à part égale avec l'image, dans le but de développer de nouvelles formes différentes de celles qui nous ont précédées.

Cette parité du sonore et de l'image ne pourra se faire que si des lieux spécifiques sont créés.

 

La présentation d'ISEA du Jeudi 7/12 de 17h30 à 18h salle 100 sera l'occasion d'un développement plus approfondie de l'idée du Studitorium et d'une discussion avec les personnes présentes. Un document écrit détaillé sera à la disposition des participants d'ISEA 2000 à l'accueil du symposium.

 

English Summary

THE

STUDI

TORIUM

 

A NEW MULTIMEDIA HALL CONCEPT

Performing multimedia sound creation has developed considerably over the last few years and yet it has not been given a space of its own.

While considering what such a place should be like, the Studitorium was put forward as a possible solution.

The Studitorium is a place both for creating and diffusing.

It is a fundamentally interdisciplinary space that covers the field of all hybrid art forms between music, theatre, installation and exhibitions.

It is a place which offers a new direction to multimedia art emphasising on the sound, to put it on an equal footing with the image, with the aim of developing new art forms which are different than those of the past.

This parity of sound and image can only be achieved if specific sites are constructed.

This presentation of Thursday 7Th/December at 5h30 to 6 PM will enable us to give a more in-depth explanation of the idea of the Studitorium and to discuss it with the public present. A more detailed written document will be available for the ISEA 2000 participants at the entrance of the symposium.


UN NOUVEAU CONCEPT D'ESPACE POUR LES ARTS DE LA REPRESENTATION MULTIMEDIA A DOMINANTE SONORE

 

 

UN STUDIO POUR LA CRÉATION

&

UN AUDITORIUM POUR LA DIFFUSION

 

 

 

 

"On ne peut comparer une calèche à la fusée Ariane, et pourtant, dans l'art on travaille en souvenir de Mozart et Rousseau, qu'on se permet d'analyser, quitte - c'est un comble! - à les reproduire en quadriphonie, comme c'est souvent le cas à la radio!!!" [1]

                                                                                                       Henri Chopin

 

 

 

I) Un nouveau lieu pour qui ?

 

Si l'on parle de musique, tout le monde situe de quoi il s'agit, on pense classique, pop, techno, contemporain, traditionnelle…

Si l'on parle Théâtre, on pensera à Molière, Shakespeare, Brecht, Brook, Chéreau etc…

Mais si je parle de spectacle sonore, c'est moins clair, on comparera à l' opéra, on évoquera le théâtre musical et puis plus rien.

Pourtant non seulement ce domaine important est déjà ancien, mais il se développe considérablement aujourd'hui, en particulier grâce à l'apport des multimédia.

Non seulement ces formes requièrent du son, mais elles s'appuient, juste retour des choses, de plus en plus sur le son.

Mais jusqu'à ce jours, ces créations, au fond plutôt "grand public" sont souvent relégués dans une marginalité inexplicable.

Ces expressions artistiques ne pourront trouver leur public et aboutir à des œuvres majeures que si les possibilités de son développement sont réunies.

Il faudrait pour cela qu'il existe des espaces spéciaux.

En effet, les arts sonores[2]. qui sont parmi les principaux fondements de la culture du XXème siècle n'ont jamais eu en France de lieu de création ni d'espace de diffusion propre.

Le Studitorium entend être une proposition d'espace qui permette le développement de telles formes.

En d'autres termes, un lieu prospectif pour les arts de la représentation multimédia à dominante sonore.

Musique et arts des sons :

Il existe un large domaine d'art sonore non 'musical' au sens traditionnel :[3] Voici en vrac quelques unes des disciplines les plus connues de ce domaine.[4]

 

Théâtre musical électroacoustique

Théâtre sonore

Théâtrophone

Réalité virtuelle sonore

Spectacle sonore interactif

Spectacle électroacoustique

Formes musicales ouvertes

Dramatisation du sonore,

Art sonore figuratif

Radiophonie de concert

Musique générative en espace

Prise de son artistique

Diffusion électroacoustique

Audio art

Art acoustique

Poésie sonore

Dispositifs sonores interactifs

Interaction son/image

Situations audiovisuelles en temps réel

Musique d'ensemble électronique

Création musicale utilisant des dispositifs temps réel

Musique en réseau

Concerts en ligne

Création sonore en ligne

Travaux sonores plastiques ou utilisant l'espace

Formes électroacoustiques non concertantes

Sculpture sonore

Design sonore

Lutherie contemporaine installée

Exposition sonore

Spectacle vivant d'art des sons

Postproduction électronique ou éléctroacoustique

Installations sonores

Installations sonores électroniques ou électroacoustique

Navigation sonore…etc

Nouvelles formes multimédia :

Le domaine de la création sonore et musicale contemporaine s'ouvrent de plus en plus aux formes multimédia et aux situations interactives.

Les rencontres entre le domaine de l'art sonore et les autres perceptions, formes ou média se développent de plus en plus et offrent de nombreuses et passionnantes possibilités, tout particulièrement dans le domaine du spectacle vivant et des installations.

Mais lorsque j' utilise le terme multimédia, ce n'est pas pour mettre comme on le fait d'habitude l'art sonore au deuxième plan mais au premier ou sur un pieds d'égalité avec les autres média.

Le son au premier plan par rapport au visuel.

La plupart des situations multimédia font appel au son comme acteur de deuxième plan. Pour ma part, j'entends mettre le son et tout particulièrement l'art sonore au centre de mes préoccupations, les autres média venant l'agrémenter ou le contextualiser, par exemple sans en gêner l'écoute. Une fois n'est pas coutume, si j'emploie ces termes inhabituels envers l'écriture et l'image, c'est pour renvoyer comme un miroir l' image satirique du discours sur le son en général, et les formes "multimédia" qui le plus souvent se résument au seul visuel.

Il s'agit pour moi de contrebalancer les habitudes consistant traiter le son comme second ; je le voudrais premier. Bien sûr, qu'on se rassure, il n'est question ici ni de nier l'écriture, ni d'anéantir le visuel mais de l'utiliser au même titre que le sonore dans la perspective de réalisations diverses où le son joue une place plus importante qu'ailleurs.

Ceci existe déjà dans maintes formes artistiques et ne demande qu'à se développer dans l'avenir à travers des formes renouvelées. Il est même probable que l'inversion de la relation son/image pour rétablir le son comme cause de l'image soit aujourd'hui la condition d'une percée de l'expression artistique et des contenus multimédia.

De l'expression orale à la pensée concrète

Si j'évoque l'écriture, c'est pour témoigner que la pensée n'est aucunement le privilège de l'écrit, elle fût même orale avant d'être écrite. C'est d'abord par la parole qu'elle s'exprime, qu'elle peut être partagée, débattue, avant même de bénéficier de la ressource écrite. Cette oralité ne peut s'exprimer que par du son et au travers des oreilles. Que ce soit dans une discussion entre philosophes, ou entre personnes de la rue comme sur la scène d'un théâtre. Cette remarque est aussi valable pour la parole que pour la musique.

Les moyens électroacoustiques et le multimédia apportent à l'oralité des ressources nouvelles, des relations et des situations originales au service d'une expression proprement actuelle. La pensée, la parole et la musique peuvent prendre ainsi toutes sortes de formes utilisant des supports d'enregistrement, mais aussi des situations interactives, génératives…etc. [5]

Ainsi, le multimédia apparaît naturellement pour beaucoup comme un simple gadget, et l'interactivité, comme une imposture. Autant dire qu'il faut retourner dare-dare à la sonate.

Ce serait mal percevoir les changements en train de se produire, peut-être pas fondamentaux, mais du moins importants.

On l'a déjà dit et écrit, les situations interactives peuvent diversitfier et améliorer les approches de la connaissance, par exemple, en privilégiant les points de vue multiples et subjectifs, mais aussi en braquant l'objectif sur la relation à l'œuvre et son évolution. Nous n'en sommes vraisemblablement qu'au début. Nous voyons bien que le monde concret regorge de situations relationnelles d'une richesse infinie, alors que la plupart des œuvres interactives paraissent si primitives, que la plupart des gens n'en comprennent pas l'intérêt.

Or l'objectif des artistes n'est ni de reproduire le réel ni d'y échapper, mais tout simplement d'imaginer des situations nouvelles et enrichissantes dans un théâtre étendu utilisant les potentialités de la cybernétique. Réel ou fiction, écran ou espace, objet ou séquence… peuvent êtres y indifféremment conviés au service d'une expression ou d'une autre.

La création artistique aujourd'hui ne passe au préalable ni forcément par l'écrit ni par l'iconographie. Elle peut emprunter toutes sortes de chemins hybrides où le sens se forme, aussi clairement qu'il est possible de le produire par une composition d'objets et de signes, plus ou moins subjectifs plus ou moins partageables, visuels, sonores ou tactiles dans un processus relationnel.

Retour en arrière, après les fastes de l'écriture, peut être, mais aussi création d'une forme d'expression voir de raisonnement.

L'expression concrète se construit dans une situation donnée par l'assemblage organisé de matériaux sonores et visuels, d'objets fixés sur supports, générés, exprimés … C'est cette approche circonstancielle qui renouvelle aujourd'hui notre perception du monde.

La suprématie du musical[6] :

Le musical règne en maître dans le domaine de l'art des sons. Or cette domination n'est pas justifiée. Elle est due essentiellement à la confusion des genres. Car si la musique est l'art des son par excellence, tout du moins dans les mémoires, tous les arts des sons ne sont pas forcément de la musique ou pas seulement. Cette hégémonie est également due à des conduites au repli sur les formes connues.

La musique est en quelque sorte l'arbre qui cache la forêt de l'art sonore.

Qu'on se rassure, je ne sonne pas le glas de la musique je réclame que sur les quelques milliers de lieux consacrés à la musique en France, quelques-uns seulement soient consacrés aux nombreuses formes d'art sonores non musicales. Que ces espaces de création soient des carrefours où l'on distingue pour mieux échanger, ou les rencontres inattendues suscitent à la fois la fantaisie et le discernement.

La marginalisation de l'art sonore

La marginalisation de ce domaine, au cœur de la création et de la pensée du Xxème siècle est selon moi un problème culturel frappant et récurant en occident auquel il faut aujourd'hui remédier.

Pourquoi faut-il encourager le développement de ces nouvelles formes :

On écrit et décrie beaucoup sur les vertus 'du multimédia' mais il serait préférable de parler de monomédia, car le son est le plus souvent absent, ou cantonné à un rôle, sans intérèt, plus ou moins décoratif. Or les possibilités d'expressions sonores sont immenses et ou sous utilisées, en particulier losqu'elles s'associe au visuel. Ce constat n'est pas seulement valable dans les productions sur support (cédéroms, dévédroms…), mais également dans les performances, les spectacles multimédia, les productions en ligne…etc. Or aujourd'hui, les ressources créatrices de l'image semblent s'épuiser et de nombreux artistes plasticiens se tournent vers le son. Pour preuve la multiplication des créations sonores dans les musées, les studios électroacoustiques dans les écoles de beaux-arts partout en France et à l'étranger, au point que ces enseignements deviennent aujourd'hui plus nombreux que dans les conservatoires de musique ; situation inquiétante. Si cet effet de mode ne produit pas toujours de grandes œuvres, il révèle toutefois un renouveau sonore. De nombreux indicateurs laissent à penser que le son devra prendre une place de plus en plus importante, en particulier dans la création multimédia. Il semble que le sonore soit la condition de l'ouverture sur des nouveaux contenus. On peut imaginer par exemple des situations intermédiaires entre la radiophonie et le cédérom, que le web ne développe malheureusement pas. De nouveaux champs s'ouvrent également grâce à la reconnaissance vocale et à la transcription du texte écrit en texte entendu. On peut citer également des possibilités nouvelles en matière de monitoring, de spatialisation dynamique…etc qui petit à petit sont amenées à être intégrées dans des réalisations où les moyens traditionnels ne sont sont pas ou plus significatifs.

Il faut donc un lieu pour l'art sonore

Mais lorsque s'ajoutent à l'indifférence d'un public timide, le mépris de l'intelligentsia, la complexité technique, le manque de moyen et de temps…il est assez improbable que ces formes aient une chance de pouvoir se développer et de remporter le succès qu'elles méritent. Il en irait tout autrement si un espace spécifique était créé pour accueillir ces formes nouvelles. Paris étant historiquement le berceau de nombre de ces expériences et formes nouvelles, c'est naturellement le meilleur endroit pour créer un lieu de ce type. Il y existe d'ailleurs déjà un petit public.

Mon expérience de la diffusion des musiques électroacoustiques m'a montrée que la musique expérimentale[7] peut plaire au plus grand nombre si certaines conditions sont réunies : Un lieu adéquat et valorisant, un accueil chaleureux, un échange à double sens entre les artistes et le public, des manifestations bien annoncée et ouvertes, une programmation de qualité.[8]

C'est un point de départ.


II) Un nouveau lieu pourquoi ?

La nature de l'approche implique la spécificité de l'équipement

Parce qu'aucun autre lieu existant ne peut accueillir l'art des sons. On ne confie pas à un cinéma la fonction de faire du théâtre, pourquoi confierait-on à un théâtre, une salle d'exposition ou un auditorium le rôle de salle d'art sonore multimédia ?

Parce que depuis une quinzaine d'années, la création à Paris est fermée.

Parce que depuis une quinzaine d'années, la création de spectacle, de performances d'expositions à Paris s'est inaccessible aux artistes indépendants de circuits de diffusion. Les salles qui ne font pas de location fonctionnent quasiment toutes dans des réseaux fermés. Quant à la commande publique, elle n'est accessible qu'à un petit nombre d'artistes et attachée à une diffusion impossible hors du cénacle. Il y a quinze ans, mes camarades acteurs, metteurs en scène, musiciens…etc et moi-même avions facilement accès à de nombreuses salles de spectacles parisiennes, plus ou moins connues mais avec des conditions qui permettaient la création. Aujourd'hui, elles ne le permettent plus, sauf à se consacrer davantage au marketing qu'à son art. En d'autres termes, le jeu n'en vaut plus la chandelle si vous êtes passionnés par le fond et pas par le succès. Pour faire évoluer cette situation, il faut créer des lieux de passion et d'invention comme le Studitorium.

Parce que la modernité et les nouveaux outils apportent des projets nouveaux.

La situation de la création contemporaine évolue beaucoup avec les apports récents de la technologie. Non seulement les ordinateurs, les dispositifs numériques, le son électronique et l'audionumérique apportent de nouvelles formes mais aussi de nouveaux contenus. Pour le plus petit dénominateur, si tant est que la forme ne soit pas dissociable du fond. Pour plus, dans le fait que le sens est porté par un médium qui le détermine sans s'identifier à lui pour autant. Pour le meilleur, dans le dessein que les machines ne servent pas seulement a leur victoire sur l'homme mais la victoire de l'homme sur lui-même. On pourrait ainsi évoquer de nombreux exemples de créations utilisant les nouveaux outils pour dire des nouvelles choses ou les montrer autrement.

Un espace unique de création et de diffusion

Le développement des œuvres multimédia interactives amène à reposer la question des rapports entre la création et la diffusion. Il devient en effet de plus en plus difficile de déplacer des dispositifs d'un lieu à un autre à cause de la complexité des configurations matérielles, logicielles, de situations, de contenus, d'espace…Si des acteurs peuvent relativement s'adapter entre un lieu et un autre, il n'en va pas de même des dispositifs multimédia. Qu'il s'agisse par exemple des capteurs, des dispositifs répartis de traitement numérique et dans une moindre mesure des diffuseurs, ils requièrent pour fonctionner un environnement le plus stable possible.

D'autre part, de nombreuses formes artistiques sont de moins en moins finalisées (, performances, work in progress…) Ce qui pousse également à rapprocher dans un même lieu création et diffusion. Autre argument, la création s'accompagne de plus en plus d'une part d'expérimentation qu'il serait souvent souhaitable de faire in situ, c'est-à-dire dans l'espace de représentation, plus, c'est lorsqu'on peut expérimenter dans les conditions de diffusion optimale qu'elle devient significative. Enfin, mais ce n'est pas tout, la création comme la diffusion peuvent bénéficier d'un contact régulier avec un public restreint et ce public, d'une vulgarisation ou d'une approche sinon pédagogique tout du moins explicative. Ainsi, la dichotomie entre le studio de création électroacoustique et la scène du concert est de plus en plus lourde et inadaptée aux nouvelles formes, au point qu'elle en devient de notre point de vue et pour les formes qui nous intéressent, caduque.

Il est donc souhaitable que le même lieu serve à la fois à la création et la diffusion.

Les développements multimédia, donnent à l'art des sons de nouveaux sujets d'investigations et de nouveaux domaines d'expression. Mais les lieux de création / diffusion existants sont dépourvus face aux nouvelles questions posées par ces créations. Il n'existe à l'heure actuelle en France aucun lieu qui soit en mesure de répondre aux projets spécifiques des artistes dans ce domaine. Les structures de création existantes ont été crées avant l'avènement de ces formes nouvelles et rejettent généralement les projets faisant appel à des techniques inhabituelles ou à des modes de diffusion non conventionnelle. Les lieux de diffusion ne présentent pas ou très peu de réalisations multimédia interactives à cause des difficultés techniques et de l'inadaptation des lieux. On connaît des lieux d'exposition, de spectacle scénique ou de concert mais des lieux faisant les trois à la fois n'existent quasiment pas. Or vu la lourdeur des dispositifs mis en œuvres, il est aujourd'hui indispensable que la chaîne ne soit pas rompue entre la création et la diffusion. Il est nécessaire que l'on puisse 'développer' et 'performer' dans le même espace ; pour utiliser ces néologisme et anglicismes courant dans le jargon de l'art interactif. Ce type de création est en effet rarement déplaçable, encore moins tournable sauf à en réaliser une version spéciale mobile, c'est à dire réduite.

L'espace du multimédia = Interdisciplinarité

La dimension intrinsèquement interdisciplinaire du domaine de l'art sonore multimédia est incompatible avec les structures déjà existantes dans les domaines proches. De nombreux lieux de création spécialisés dans la création artistique utilisant les nouvelles technologies mettent l'accent sur le visuel et malgré leurs intentions et leur bonne volonté pour couvrir également le champ sonore, ils en restent le plus souvent au B-A-ba. C'est le cas du ZKM, du CICV, du Fresnoy, du Métafort…Pour preuve, il suffit de comparer les budgets alloués à l'équipement visuel à celui du son, la durée globale des résidences de création sonore avec les autres résidences d'artistes ou le nombre de représentations publiques dédiées. Quant aux structures dédiées à la musique, telle l'IRCAM, le GRM, l'IMEB,…,elles refusent quasi systématiquement de mettre des moyens au service de projets non exclusivement musicaux. Bien entendu on pourra toujours trouver des contre-exemples, mais ce ne seront que des exceptions qui confirmeront la règle.


III) Un nouveau lieu comment ?

Nous avons donc imaginé un nouveau concept de lieu : le Studitorium[9] :

Le Studitorium est une contraction de "studio" et "auditorium". C'est à la fois un lieu d'expérimentation, de création, de vulgarisation et de diffusion.

Un lieu où l'accent est mis avant tout sur l'art sonore électroacoustique dans ses multiples relations avec les autres arts : image ; vidéo, photo, infographie, image temps réel, spectacle vivant ; danse, théâtre, musique instrumentale ou improvisée, communication électronique interactive, écriture, poésie , conte, lumière, architecture, peinture, sculpture…

Un espace où différentes disciplines artistiques peuvent cohabiter et développer ensemble et 'en situation' réelle des réalisation communes.

Un lieu public d'accueil, d'échange entre public et artistes, de présentation et d'explication des modes contemporains de création au cours de leur réalisation.

Une approche pragmatique 'de facto' et 'in situ', une approche concrète de la création interdisciplinaire.

Une solution possible aux problèmes rencontrés par les artistes utilisant des nouvelles technologies pour présenter leur travaux sous une forme la plus approfondie possible à un public plus large.

Voici quelques concepts propres au fonctionnement du Studitorium

Exploration : Le Studitorium est un lieu où l'on consacrera du temps à essayer, tester des hypothèses ou de nouvelles situations. Cela dans une perspective fondamentale de contenu et de sens. L'expérimentation se fera en équipe et sur projet. Elle sera ouverte à tous sans distinction Un comité de lecture 'Recherche'[10] aura pour fonction d'accueillir et de choisir les projet d'expérimentation. Une période annuelle sera consacré à ces travaux expérimentaux. Des travaux expérimentaux à caractère scientifique peuvent également tirer partie de l'infrastructure d'un tel espace.

Ouvrage : Résidences de création pour différents artistes ou ensembles d'artistes. Les projets spécifiques seront étudiés dans un premier temps sur dossier d'intention puis discutés entre un comité de lecture 'Création'[11] et l'artiste pour en étudier la faisabilité. Un chargé de production issu du comité 'Création' sera nommé pour suivre le projet et représenter le Studitorium.

Transmission : conférences, cours, débats, actions à caractère pédagogique, réalisation de projets pédagogiques utiliseront l'espace en contrepoint avec le travail de création.

Présentation : spectacles, diffusions sonores, concerts électroacoustiques, performances, installations, expositions, rencontres interactives[12], parcours découverte, cabarets littéraires, projections, présentations à l'intention des enfants et des adolescents, des aveugles…

Diffusion : émissions en direct sur le web, diffusion Internet, publications en ligne, distribution d'œuvres sur support.

Voici quelques propositions de solution aux difficultés rencontrées par des artistes sonores multimédia.

Elles peuvent êtres déclinés de la façon suivante : L'interdisciplinarité, l'interactivité, l'espace, la théâtralisation, la dimension visuelle et scénographique des créations, le public, la technologie

 

L'interdisciplinarité : comme les créations font de plus en plus appel à des rencontres entre différentes disciplines artistiques actuelles, par exemple la danse et la musique ou la vidéo et le son, il faut très souvent intégrer dans le même espace des dispositifs hétérogènes. Dans la phase de développement, il faut travailler en vis-à-vis. Par exemple, la conception d'une musique interactive pour une réalité virtuelle est bien plus aisée lorsque les machines de développement audio et visuelles sont cote à cote et le dispositif est utilisable à tout moment.[13]

Dans le Studitorium, les différentes cabines techniques sont afférentes et de plein pieds avec le plateau. Elles peuvent y être incluses, séparées par une vitre ou rendues indépendantes. Toutes les cabines donnent sur le plateau et partagent donc le même espace d'échange et de développement. En cas de besoin, par exemple en cas d'enregistrement, on peut toujours isoler n'importe quel ensemble de modules des autres.

L'interactivité : En représentation, les formes interactives font généralement intervenir le public sous différentes formes et ni le studio ni le théâtre classiques ne répondent aux besoins de ce type de rapport au public. C'est la raison pour laquelle les présentations interactives se font habituellement dans des salles non conçues pour le spectacle comme les salles d'exposition…etc qui sont inadaptées pour de nombreuses raisons. Qui dit interactivité dit action du public qui participe, touche, agit, interagit avec d'autres acteurs ou modules.

La séparation scène / salle est le plus souvent inutile voir gênante pour des situations où le public est en partie acteur du spectacle. La disposition de la salle doit donc permettre une interaction la plus grande possible quels que soient les dispositifs. Il n'y a pas ici de scène idéale mais le principe de polyvalence prévaut dans le Studitorium. La disposition en étoile permet de placer le public ou la scène frontale, latérale, circulaire, annulaire, public au centre et spectacle à l'extérieur… Si la représentation est significative, la convention acteurs / spectateurs suffit le plus souvent à créer la situation de spectacle. La régie joue un rôle essentiel et doit pouvoir être facilement placée n'importe où voir déplacée au cours du spectacle.

Les dispositifs d'interaction doivent pouvoir être présent et opérationnel en permanence, mais également régulièrement sauvegardés, remis à jour, consolidés.

L'espace sonore : l'espace joue un rôle de plus en plus important en musique et dans les formes d'art sonore interactif. Par exemple, les dispositifs de diffusion électroacoustiques tels le Cybernéphone de Bourges ou l'Acousmonium de l'INA-GRM, qui servent diffuser et à spatialiser la musique et doivent être forcément déployés dans l'espace de la salle, sont montés et démontés pour chaque concert ce qui coûte de l'argent, du temps, de l'énergie et condamne malheureusement le développement de ces concerts d'une qualité remarquable et de la musique électroacoustique en général à un destin occasionnel. C'est l'avis de Jacques Darnis du GRM qui rêve de créer à Paris ou en périphérie un lieu spécialisé où les dispositifs pourraient être prêts à brancher. Christian Clozier (Directeur de L'institut de Musique Electroacoustique de Bourges) a pu mener une partie importante de son travail d'invention dans le domaine de la diffusion grâce à l'installation du Gmebaphone dans la salle de La Maison de la Culture de Bourges pendant le festival et le mois d'Août.

 

Dans le Studitorium est implanté en permanence un ensemble de hauts parleurs fixes et mobiles omnidirectionnel.

Comme pour les circuits lumière des théâtres, un réseau audio fixe, circulant dans des gaines et avec des prises réparties aux endroits stratégiques permettent d'implanter un nombre variable d'enceintes dans les configurations les plus diverses. [14] D'autre part, on installe souvent des dispositifs de sonorisation puissant dans les lieux de concerts, mais rarement des outils de diffusion de qualité et encore plus rarement de la multidiffusion digne de ce nom.

La théâtralisation, la dimension visuelle et scénographique des créations : Le théâtre contemporain fait de plus en plus appel au son spatialisé, la théâtralisation du sonore apporte des contraintes scéniques fortes telle la répartition des sources sonores, la synchronisation avec l'éclairage ou l'image. Quant à l'utilisation d'une scénographie interactive ou audiovisuelle elle nécessite des technologies informatique, vidéo, etc. Ces confrontations particulières amènent des nouvelles situations dramatiques comme dans le cas du Théâtrophone[15].

Une théâtralité spécifique à ces situations est en train de naître que l'incompréhension et les contraintes techniques empêchent généralement de se développer[16]. Bien sûr certains répliqueront qu'il suffit d'un bon acteur et d'un plateau vide pour faire un bon spectacle de théâtre, mais dans la réalité, les technologies lourdes des théâtres d'aujourd'hui sont généralement au service d'intrigues amoureuses, de drames familiaux et d'autres sujets sempiternels. Si les grands thèmes éternels méritent qu'on continue à les chanter à coup de nouvelles technologies, ceux du présent également. Ils ont même davantage besoin d'outils et de techniques spécifiques.

Dans le Studitorium, des outils de théâtre et de musique interactive sont réunis pour élaborer des dramaturgies et des scénographies nouvelles. Les écrans sont mobiles et repositionnables. Cette mobilité en apparence lourde ne doit pas l'être et fait appel à la fois à des techniques modernes sures et d'une relative simplicité : cintres interchangeables, panneaux mobiles, écrans rétro éclairés, réflecteurs, praticables modulaires…

Le 'in situ' :

L'expérience d'Octophonie à La Rochelle a été l'occasion d'une prise de conscience forte des problèmes de la composition dans l'espace. En effet, si le dispositif de diffusion sonore en studio n'est pas précisément le même qu'en salle. De nombreux effets entendus en studio ne fonctionnent pas en salle, pour des raisons mystérieuses et sans intérêt pour les artistes et les réglages en salle impliquent souvent la remise en chantier de l'œuvre. Cette dimension culturelle concrète de la création contemporaine, c'est-à-dire la manipulation d'objets-documents ayant chacun des corps spécifiques et contraignants, nous amène à reconsidérer  l'approche abstraite de la création littéraire et musicale traditionnelle. La fréquentation régulière du comportement particulier d'une salle est essentielle pour le développement d'un travail fin de création et de diffusion sonore ; l'espace devient alors instrument.

Le public : Les artistes sont moins attirés qu'auparavant par une relation démiurgique avec public. Le public de son coté souhaite moins être tenu à l'écart ni considéré comme une masse homogène de spectateurs d'un dispositif qui leur. La situation frontale, la barrière de la scène constituent autant de contraintes inutiles voire gênantes pour la mise en œuvre des nouveaux modes de représentation que sont les situations interactives.           
Une certaine transparence de la technologie devient le plus souvent la condition d'une relation forte entre un projet et son aboutissement. L'incompréhension des processus créatifs n'aide en aucun cas à leur appréciation, il est donc également souhaitable que les artistes se mettent, si possible en situation de montrer comment ils travaillent tout du moins dans un but pédagogique. Les séances de travail ou les "
work in progress" in situ sont le meilleur moyen d'accéder à la meilleur compréhension d'un projet artistique.         
Selon les réalisations, dans le domaine interactif et multimédia, le public peut jouer un rôle très différent. Dans certains cas il est attendu qu'il soit actif, dans d'autres passif
[17], qu'il se déplace, que certaines personnes interviennent pour déclencher certains niveaux d'interactivités qui sinon resteront imperceptibles et incréés.

Le public de ces présentations doit pouvoir être soit assis, soit pouvoir circuler autour et à l'intérieur des installations auquel il participe. On doit pouvoir accompagner les personnes autant comme un flux continu de visiteurs individuels qu'un groupe de spectateurs lors d'une représentation à durée et à heure fixe.      
Les œuvres sonores multimédia peuvent concerner également des publics qui ne se déplaceraient pas dans les autres lieux de spectacles. En particulier les aveugles pour qui il existe très peu de spectacles spécifiques. Le Studitorium peut être un lieu où des programmations et des créations spéciales pour aveugles sont possibles, intéressantes et souhaitables.

La technologie : le plateau du Studitorium doit pouvoir accueillir des technologies complexes, diverses et évolutives. Il doit donc être pourvu des supports, connections, gaines, et contrôles nécessaires à la plus grande liberté de branchement possible. Les principales sont : la lumière, la vidéo, la composition et la diffusion électroacoustique, l'informatique, les réseaux de communication locaux et distants. Pour que toutes ces technologies fonctionnent sans "bug" ni ratages comme c'est trop souvent le cas en représentation, il faut mettre le maximum d'atouts de notre côté. Le Studitorium est une possible solution de cette problématique. Il faut également s'entourer de compétences technologiques et d'une régie de qualité.

 

Reste à construire ce que pourrait être la réalité d'un tel lieu, ce qui n'est pas le plus facile.



[1]Poésies sonores p. 20 Ed. Contrechamps 1992

[2]On utilise généralement le terme d'arts sonores pour désigner toutes les formes d'art sonore distinctes de la musique traditionnelle.

[3]Je me contente volontairement d'une liste brute et assez floue de différentes formes ou tendances, l'objectif n'étant pas ici de classifier, tâche d'autant plus difficiles qu'ils sont à la fois naissants, non stabilisés, interdisciplinaires et s'interpénétrant souvent. Cette liste a simplement pour objectif de montrer la diversité de ces situations et formes.

[4] Genres d'arts sonores : quelques-uns se recoupent partiellement, mais on pourrait sans difficulités détailler les spécificités de chacunes de ces formes.

[5] Ces formes se complexifient au point qu'il est impossible de dire s'il s'agit de parole, de son ou de musique et que de nombreux artistes et philosophes se perdent en débats stériles pour savoir si l'on doit ranger la poésie sonore dans la musique, la poésie ou le théâtre…Cette confusion régnante n'a pour effet immédiat que de conforter les approches les plus conventionnelles et d'entraver la progression naturelle des arts vivants vers des formes de plus en plus composites.

[6]Musical au sens d'art sonore consistant à organiser des notes en rythme ; musique écrite, instrumentale, dansante, concertante, diffusable par les mass média ou sur support, analysable et historiquement déterminé par la musique antérieure classique ou populaire. Par opposition à des formes ouvertes, de nature dramatique ou plastique, improvisées, génératives, multimédia, muséographiques, poétiques, interactives…

[7] Que de notre point de vue on devrait plutôt appeler la musique d'art ou l'art sonore

[8] Nous pensons tout particulièrement à l'expérience du forum des musiques nouvelles du FIMU à Belfort[8] et qui depuis 1994 accueille chaque année une vingtaine de concerts de musique contemporaine dans une salle toujours pleine du public le plus varié.

[9](le nom a été lancé par Pierre Boeswillwald lors des rencontres d'Octophonie au studio Delta P. de La Rochelle)

[10] Les comités de lecture seront formé d'un artiste ayant déjà travaillé au Studitorium, d'un responsable du Studitorium et d'un représentant de la tutelle administrative : collectivité territoriale, état…Leur fonction est par principe de faire en sorte qu'un projet d'artiste soit abouti, réussi et réalisé dans les meilleurs conditions possibles.

[11] Les comités de lecture seront formé d'un artiste ayant déjà travaillé au Studitorium, d'un responsable du Studitorium et d'un représentant de la tutelle administrative : collectivité territoriale, état…Leur fonction est par principe de faire en sorte qu'un projet d'artiste soit abouti, réussi et réalisé dans les meilleurs conditions possibles.

[12] Par exemple en réseau

[13] Toute autre situation est approximative voir utopique. Elle est pourtant généralisée pour des raisons pratiques trop évidentes : en particulier que le son dérange. Le théâtre, qui de tout temps a été un modèle d'interdisciplinarité, s'est fixé en occident dans une discipline spécifiquement théâtrale 'au service' de laquelle on adjoint le son et la musique alors que la plupart des traditions théâtrales de par le monde donnent au son une part toute différente.

[14] Il est à ce sujet assez caractéristique que n'importe quel centre socioculturel de quartier n'hésite pas à s'équiper de 64 circuits lumières alors qu'il n'existe aucune salle en France équipée de 64 circuits son qui coûteraient pourtant le même prix.

[15] J’appelle Théâtrophone un véritable théâtre de sons (et non un montage dramatique). Par nouvelles situations, j’entends par exemple le cas où la mise en espace des sons est signifiante pour la scénographie, certaines conformations spatiales sonores pourront évoquer tel espace ou telle situation.

[16] La plupart des musiciens confondent par incompréhension des ressources théâtrales ce type de situation avec la diffusion de dramatiques radiophonique. Pour mémoire rappelons que la dramatique est un texte écrit pour des acteurs enregistrés avec éventuellement des illustrations sonores. Le Théâtrophone est un spectacle sonore électroacoustique dans l'espace d'une salle ou le son diffusé par des hauts parleurs joue divers rôles; comme des voix placées et animées dans l'espace; des sources d'interventions préalablement enregistrées; écrites ou non; interactives ou fixées.

[17] Ce qui n'est pas toujours explicitement indiqué et qui met souvent le public dans l'embarras. Il est à mon avis essentiel de fixer le plus clairement possible ce qu'on pourrait appeler pour simplifier 'les règles du jeu', au risque de perdre ce fameux 'flou artistique' qui, parait-il, solliciterait l'imaginaire. Je pense plutôt que dans la plupart des cas, ce genre de mystification facile n'a comme effet que de créer un mur d'incompréhension entre le spectateur et l'œuvre dont la fonction inconsciente est de bien marquer la distance entre les Z' artistes et le public. Une séparation qui tout naturellement est vécue comme une déchirure et sera renvoyée à l'auteur sous forme de rejet, d'agressivité ou de mépris. Il sera alors assez facile de déclarer que 'l'œuvre ne laisse pas indifférent'. Help!