PROPOS SUR LA CULTURE : (Ière partie) : 22’

ROLAND CAHEN

1996

Il s’agit d’une Théâtrophonie a caractère radiophonique

C’est un essai sur la culture de fait (de facto), c’est à dire contre les etiquettes culturelles et ethniques, multiculturaliste.

Dire être ce qu’on est et non pas se définir comme ce que l’on nous force à être.

Nous nous servons pour cela d’une annecdote prétexte : l’attaque d’un macdo par des intégristes. Un faux policier range les passants dans un camp ou dans l’autre. Heureusement quelques personnes refusent cet empbrigadement, je les ai interviewées.

C’est également une étude (n°3) dite de pensée concrète. C’est à dire, pour essayer de comprendre comment une situation, une voix modifie la nature d’un propos, comment un propos peut être tenu, non avec la langue orale ou écrite, mais avec la disparité propre aux documents et objets sonores concrets.

C’est une troisième voie, ni écrit ni oral, empruntant à la fois à l’un et l’autre, ce que j’appelle la culture ou la pensée concrète. Nous sommes témoins des objets,  sources multiples, icônographiques, enregistrements, synthèse, propos, actes etc. Le conceptuel et le propos prétalable s’efface peu à peu devant le document. Le concret rogne l’abstraction conceptuelle.

Remerciement pour leurs propos à Betty Raffaëlli, Denise Colomb, Gilbert Cahen, Mamhoud et Mariam Marachi, Gareth Williams.

Réalisé dans le studio Charybde du Groupe de Musique Expérimental de Bourges.

Citation d’Alain Finkielkraut

“La défaite de la pensée” Folio essais Gallimard 1987

TEXTE RETRANSCRIT DES PROPOS SUR LA CULTURE

Les Propos sur la Culture (Ière partie) :

Il s’agit d’une Théâtrophonie a caractère radiophonique

C’est un essai sur la culture de fait, c’est à dire contre les étiquettes culturelles et ethniques et pour une revendication multiculturelle. Dire être ce qu’on est et non pas se définir comme ce que l’on nous force à être.

C’est également une étude (n°3) dite de pensée concrète. C’est à dire pour comprendre comment une situation, une voix change la nature d’un propos, comment un propos peut être tenu, non avec la langue orale ou écrite, mais avec la disparité propre aux documents et objets sonores concrets.

Cette pièce a été réalisée à partir d’interviews (parties encadrées) qui ont fait l’objet d’un montage sophistiqué pour en dégager ce qui pour moi exprime les idées essentielles que je cherche à faire passer.

Remerciement pour leurs propos à Betty Raffaëlli, Denise Colomb, Gilbert Cahen, Mahmoud et Maryam Marachi, Gareth Williams, Yves Coffy et Alain Finkielkraut.

Prologue : Il est proprement dramatique que l’on confonde généralement la culture d’un individu avec le groupe humain auquel il est sensé appartenir. Cette confusion transforme la culture en alibi de l’ignorance et de la haine. Ce vice humain va si loin que nous éprouvons un certain plaisir à nous définir par une étiquette ethnique, d’ailleurs le plus souvent interchangeable. A force de se parer de ses racines comme d’un pins, on a du mal à distinguer la véritable culture des gens. Pour tester notre hypothèse, nous avons organisé une mise en scène dans la rue : l’attaque d’un fast food Mac-Donald par un groupe d’intégriste islamiste. Aux gens qui s’attroupaient devant cette mascarade, faux policier demandait de se ranger soit à droite, soit à gauche selon qu’il prenaient parti pour un camp ou pour l’autre. Parmi ceux qui refusèrent courageusement de choisir, nous en avons interrogé quelques uns sur leur identité et leur culture.

Mahmoud - Aujourd’hui Mac Donald existe à Paris, Ah oui

Betty - j’me sauve, j’prend parti pour personne (rire) j’suis un spécimen vivant d’une certaine catégorie qui s’appelle les hommes, donc on a la particularité de s’exprimer en paroles.

Gareth - je me définis moi même comme le trou dans les choses qui sont autour de moi

Betty - d’abord si ils veulent détruire les Mac Donald, c’est peut être pas pour les mêmes raisons que moi.

Denise - quand j’étais petite, je ne parlais pas, je disais tout en chantant.

Le président au téléphone avec Pasqua - Allo Charlie, quoi… qu’est ce que j’apprend, quinze blessés grave dans un happening culturel… ben alors, qu’est ce que vous foutez.

Denise - Je crois que c’est Malraux qui disait que la culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié.

Maryam - Ma culture, une culture qui est très différente de la culture française, qui est très riche, mais qui n’a rien a voir avec la culture qu’on connaît en europe. J’ai appris aussi une autre culture européenne, j’ai les deux.

Micro trottoir (faux) : - Pardon monsieur, est ce que vous pouvez définir votre identité culturelle s’il vous plaît ?

- euh… quoi… ma culture… ma culture è’t’nique hé connard.

Gareth - J’ai des racines d’une famille chrétienne, quand j’étais jeune, j’allais à l’église chaque dimanche, j’étais éduqué dans un école d’état, rien d’extraordinaire, et j’ai eu de la chance, j’ai eu des bons profs, j’ai étudié l’histoire en géographie et ce genre de choses. J’ai pas rejeté un seul principe fondamental parce que j’ai toujours de très bon relations avec mes parents, et ca c’est fondé sur le respect profond de leurs principes qui sont devenus une partie de mes principes et une partie de ma culture personnelle.

Betty - Ah la la, de me définir, moi ? j’suis un animal humain. J’peux pas m’définir comme ça avec des autoroutes. Ma culture j’crois qu’elle est constituée de tellement d’éléments de courants qui sont liés à mon histoire familiale, à l’endroit où pa hasard je suis né et où je vis, aux événements que j’ai traversés, à tout ce que j’ai pu rencontrer de gens de connaissances, de livres, de musique, de films, enfin c’est un espèce de brassage très très intime de tous ces éléments, de tout ordre, vraiment j’arrive pas à citer tout ce qui se tricote, tout ce qui vient broder ma culture. Si je compare à une tapisserie, il y aurait je sais pas combien de fils de couleur différentes.

Gareth - ma culture c’est européenne. Peut être j’aurai pas dis ça il y a dix ans avant que j’ai quité l’angleterre, mais ma culture personnelle c’est quelque chose qui est fondé sur l’histoire des gens en europe.

Denise - Je sais que j’avais un grand père extrêmement pieu mais qu’ça s’est arrêté là pour la religion dans la famille. J’crois qu’il en a dégoûté tout le monde. (rire)

Gilbert - Il est certain que celon les types de civilisation, française ou chinoise, les cultures sont forcément très différentes. Je ne vois pas ce que ça a à voir avec l’histoire de race, sauf que la race chinois est une chose…

Denise -… non jene crois pas du tout aux races…

- ma propres race en est une autre, au point de vue race, je fais partie de la race juive…

- y’a peut être quelque chose…

- mais au point de vue culture, y’a rien chez moi qui s’rattache à ça…

- c’est tellement diffus…

- si disons que c’est Hitler qui me l’a appris…

- tellement imperceptible…

- moi ma culture c’est essentiellement une culture occidentale, une culture française, quand j’étais au lycée, j’ai appris le latin…

- l’environnement est plus important…

- j’ai appris la culture française depuis le moment où elle se manifestait…

- la curiosité…

- du moyen age jusqu’à nos jours

- les amis…

- mais, hin pour moi ça n’a rien à voir avec la notion de race.

Il y a souvent des différences culturelles plus importantes entre deux membres d’une même communauté qu’entre certaines personnes appartenant à des groupes différents.

Betty - depuis que je vis à la campagne, je me rend compte que ma perception des choses commence à changer pas mal par rapport à l’époque où j’étais à Paris. La musique par exemple, j’ai l’impression que je l’entend différemment, que je l’entend mieux, que mon rapport est plus intime. J’avais l’impression que ma sensibilité avec l’âge s’émoussait un peu, maintenant, j’ai l’impression que c’est le contraire.

Gareth - je me sens aussi à l’aise chez moi en France maintenant que je sens en Angleterre. J’ai pas mal voyagé, j’ai des bons souvenirs de quand je suis rentré à Paris, je dis bien, je suis chez moi, qui est bizarre parce que je suis pas du tout chez moi dans un autre sens. Ca c’est ma culture, c’est la culture des gens avec qui je vivre. J’ai plutôt découvert ma culture mais je la créais aussi pour moi même. Ca veut dire ma culture personnelle, c’était pas donné à moi parce qu’il y avait tellement d’influence de l’extérieur, qu’il n’y avait personne qui avait suffisamment de contrôle sur moi pour me donner une culture, j’avis pas une culture d’une famille rurale dans un petit village, j’avais une culture d’une famille bourgeoise dans une grande ville, j’ai créé certains liens, parce que j’ai vécu les deux. Peut être il y a certaines chose qui ont été données à moi par une certaine culture d’un certain groupe de personnes en Angleterre. Mais comme pas mal d’adolescent et d’individus, il y a beaucoup de choses que j’ai rejeté aussi.

Denise - Finalement, je crois que les jeunes aiment se retrouver dans quelque chose de classique

Maryam - La culture ça s’apprend, je pense pas qu’on naît avec, ça se cré.

Denise - On la subit

Betty - C’est tout ce qui se croise dans l’vécu.

Gareth - je pense au mouvement des punk par exemple, ça c’est un mouvement, une partie d’une culture moderne, quelque chose qui m’intéressait parce que c’est une expression des individus, des jeunes peut être ça c’est une partie de ma culture, même si je serais jamais punk comme un juriste bancaire.

Betty - C’est mon rapport à la vie, je vis donc tous les jours, j’prend l’soleil ou la pluie ou je lis, j’écoute c’qui s’passe eccetera.

Maryam - Déjà Vivre, c’est une culture

Gilbert - Non, il n’y a pas de culture sans connaissance. Les connaissances sont à la base de la culture

Maryam - Moi je vois la poésie partout, dans les fleurs, dans la manière de vivre, la poésie prend une place tellement importante dans ma vie. J’ai un mari qui me réveille à deux heures du matin pour me réciter ses poèmes, alors, c’est peut être ça.

Denise - Je ne sais pas ce que c’est exactement que la culture, la culture, c’est une chose qu’on a en soi dans son corps dans son esprit…

Gilbert - La culture n’est pas faite que de connaissances, la connaissance étant le substrat de la culture et non l’inverse, il y a les connaissance mais il y a aussi les sentiments, le sens esthétique qui n’a rien a voir avec la connaissance mais qui fait partie de la culture. Si tu vas te promener au musée Guimet voir la statuaire Khmers, c’est pas une question de connaissance, c’est une question de forme de beauté de la statuaire, et qui ne se confond en rien avec les histoires de la connaissance.

Denise - Il y a des gens qui croient avoir une culture parce qu’il vont voir toutes les expositions qui sont à voir, tous les concerts où il faut aller, et qui ne s’en imprègnent pas du tout.

Maryam - La culture pour moi, c’est savoir voir vraiment les choses autrement, on voit les choses mais…

(annonce aéroport) : Le bonheur est à votre porte, liquidez votre voisin.

(un cow boy) : Tu comprend Charlie, c’est ça la culture tri-balle.

Denise - Il y a des gens qui sont perméables à une propagande, qu’on fanatise plus ou moins facilement

Betty - Si on m’oblige ? on peut pas m’obliger. (rire)

Maryam - Non on peux faire des lavages de cerveau, mais sans effet, à mon avis sans effet. Il fua avoir quand même la sensibilité, il faut pouvoir l’acquérir. De force non, y’a rien à faire, j’pense pas…

Je suis pas encore française, je vis en France avec ma famille

Maryam - La tolérance je sais que ça existe dans les dictionnaires mais ça se pratique pas, ça on l’a pas chez nous, ça en France on a ça… enfin j’espère, ça je leur apprend, elles ont appris, elle savent que les gens sont pareils que tu sois religieux pas religieux, pratiquant ou pas pratiquant, ça change rien, alors que…

Betty - C’est plus complexe

- alors que dans notre manière de vivre avant de venir en France, y’avait pas ça. Si t’es différent, t’es exclu.

Betty - et voilà, et moi j’massois où maintenant ? hein, qu’est ce que je fais moi ?

Gilbert - Évidement la culture chinoise et la culture européenne sont des choses différentes, mais enfin, on ne peut les définir que par l’histoire.

Mahmoud - les gens avant la révolution iranien, on la culture différent qu’aujourd’hui.

Gareth - les gens y pensent d’une façon tellement différente aujourd’hui certainement qu’avant la première guerre mondiale et peut être la deuxième guerre mondiale.

Denise - Evidement quand on a une longue vie, les chose changent beaucoup, la culture aussi.

Maryam - C’est la réaction des gens d’une société par rapport à tout ce qui se passe autour d’eux, par rapport à leur passé économique, politique. Tout ça c’est important pour donner une figure à cette culture. Par exemple la culture qu’on avait avant la révolution et après la révolution, c’est tout à fait différent.

Mahmoud - La situation économique c’est très important pour fabriquer un culture, c’est très important.

Denise - Les enfant ont tellement souffert pendant la guerre de leur spécificité, simplement d’une religions qu’ils ne connaissaient même pas mais ça n’a pas stoppé leur curiosité, ça les a bouleversé psychologiquement, qu’il en reste des traces, mais que ça n’a pas empêché leur évolution culturelle. Ils ont évidement rejeté une culture qui n’en était pas, c’est à dire le nazisme, mais est ce qu’on peut parler d’une culture naziste, non bien sur non, ça n’est pas universelle mais c’est contagieux pour certains.

…oui il y a eu même des intellectuels qui ont pris parti pour le nazisme, ça c’est affolant.

Maryam - Quand on arrive en France, on attend beaucoup de chose, on attend la liberté, on pense pas que des gens civilisés, cultivés comme les français puissent être intolérants, et quand ça arrive, c’est un choc.…Je me demande pourquoi en France, les gens sont intolérants quelquefois, enfin souvent, quelquefois ça arrive aussi, comme partout, mais pour nous c’est inacceptable. On parle tellement de droits de l’homme, c’est inacceptable.

Épilogue : Citation d’Alain Finkielkraut (La défaite de la pensée)